L’habitat en Guadeloupe : la case créole

Par Miss Za

L’architecture des maisons individuelles en Guadeloupe est très variée. De la case créole aux villas contemporaines, en passant par les demeures coloniales dont il existe encore des vestiges, l’architecture de l’habitat individuel en Guadeloupe peut sembler hétéroclite et sans grand intérêt pour certains.

Mais les maisons individuelles guadeloupéennes ont su malgré tout garder des éléments clés du passé tout en s’adaptant aux risques naturels liés au climat tropical.  Elles se sont modernisées tout en conservant un charme d’antan. Il en résulte un habitat particulier créole qui peut s’avérer très inspirant en matière de décoration.

Alors, prêts pour une visite dans le temps sous les tropiques ? Je vous propose dans ce premier article d’une petite série sur l’habitat guadeloupéen, une première étape sur la case créole.  Suivez-moi, vous ne serez pas déçus du voyage !

La case créole, héritage de l'ère coloniale

Lorsque l’on parle de la Guadeloupe on pense au soleil, à la mer … et aux cases créoles colorées. Mais si l’habitat individuel en Guadeloupe ne se limite pas à ces dernières, la case guadeloupéenne, héritage de l’ère coloniale et de la période esclavagiste, perdure encore et les maisons individuelles modernes de l’île s’en inspirent souvent. 

Le mot « case » est le nom donné aux habitations typiques que l’on retrouve dans certaines îles, anciennes colonies ayant subit l’esclavage. On en trouve dans la Caraïbes, en Guadeloupe ou Martinique par exemple, en Amérique du sud et notamment en  Guyane. Mais la case créole existe également ailleurs dans le monde, à la Réunion, sur l’île Maurice ou aux Seychelles. 

La case créole en bois est apparue peu à peu après l’abolition de l’esclavage, en 1848. Durant l’esclavage, la case était  faite de branches entrecroisées (des « gaulettes »), de paille et d’argile.  Pièce unique, elle servait d’abri aux esclaves. Peu à peu, après l’abolition , le bois est apparu et est devenu le matériau principal de construction de ces habitats. C’était la maison des ouvriers située souvent à proximité des champs, à la campagne ou dans les bourgs des petites communes. Mais on en trouvait également, et on en trouve encore, dans les « grandes » villes, notamment dans les faubourgs de Pointe-à-Pitre. 

Une architecture simple mais intelligente

La case créole se distingue par une architecture simple à première vue : ce sont de petites maisons en bois dont la toiture à deux ou quatre pentes  est faite de tôles ondulées. En Martinique, certaines de ces toitures sont recouvertes  de tuiles. Ce sont principalement des cases que l’on retrouve à Trois-Îlets, petite commune martiniquaise connue pour sa fabrique de poterie.

Composée souvent de deux pièces, la case créole en bois  est en général orientée soit l’est, afin de s’abriter de l’exposition des rayons les plus chauds du soleil, soit face à la rue. 

La cuisine ainsi que les toilettes se trouvent souvent détachées de la maison principale. En effet, il ne faut pas oublier que la case était à l’origine avant tout un simple abri. Les toilettes et la cuisine étaient donc des éléments accessoires ! Lorsqu’elles existaient, les toilettes rudimentaires, s’apparentaient  surtout à des latrines. Un seau faisant office de cuvette, des feuilles de tôles pour s’abriter des regards, et le tour est joué ! Le « tout-à-l’égout » et les fosses septiques à l’époque n’existaient pas. Et je ne parle pas d’une époque si éloignée que ça ! Jusque dans les années 80, ce système perdurait chez certains !

Passons à la cuisine (histoire d’oublier les latrines!). Son éloignement  de l’habitat principal permettaient d’éviter la propagation des odeurs dans la pièce à vivre et  la chambre. Cela permettait également d’éloigner les divers nuisibles (rats, souris, cafards éventuels) de la pièce à vivre. Enfin et surtout, cet implantation externe permettait de prévenir les risques d’incendies que pouvait provoquer l’utilisation du charbon de bois (et oui, les plaques en vitro céramique ou à induction n’existaient pas avant !). 

Une architecture modulable

Posées sur un « carré-sol » (c’est à dire un soubassement rudimentaire fait de pierres et de béton) ou sur de simples pierres,  les cases pouvaient être transportées au gré des déménagements (l’ancêtre des mobile home en quelque sorte !).  En effet, les terrains étaient souvent loués vides ou parfois « squattés » et les déménagements réguliers.  Les cases étaient transportées alors d’un lieu à l’autre soit à l’aide de charrettes tirées par des bœufs, soit plus tard sur des remorques de tracteurs ou des camions. 

Autre particularité de ses maisons, elles pouvaient s’agrandir au fur et à mesure que la famille s’agrandissait et que les modestes moyens financiers le permettaient.  On parle alors de maisons « koudfizi » en créole, « coup de feu » en français (car lorsque l’on tire avec un fusil,  on voit l’impact mais la balle peut être logée beaucoup plus loin ….on voit la devanture des cases, mais elles peuvent cacher de nombreuses pièces en enfilade !). Il n’est donc pas rare de voir de petites devantures sans s’imaginer que ces cases d’apparence minuscule cachent en fait une dizaine de chambres !

un habitat éco-responsable avant-gardiste

Les cases pouvaient également être posées sur des pilotis. En effet, souvent situées sur des terrains marécageux ou inondables, ces fondations de fortune permettaient d’alléger le poids de la structure. Les pilotis  permettaient également de surélever l’habitation, l’isolant ainsi de l’humidité. Ainsi les habitants évitaient  de se retrouver les pieds dans l’eau en cas d’inondations …. et permettaient aux bestioles de se retrouver en tête à tête avec eux dans le salon  !

La galerie, grand balcon présent dans certaines cases,  est également un élément particulier de la case créole.  Elle joue plusieurs rôles : outre le fait de montrer immédiatement le niveau social de son occupant, elle permet également  d’embellir l’architecture de l’habitation. C’est également un lieu où les habitants peuvent se montrer, accueillir des visiteurs sans pour autant les faire pénétrer dans l’intimité de leur demeure.  Mais la galerie avec ses auvents permet aussi de préserver l’intérieur de l’habitat de la chaleur et des pluies parfois violentes dans ces régions touchées par de nombreuses tempêtes.  Ces galeries peuvent être d’origine ou ajoutées par la suite par le propriétaire.

D’autres éléments permettent à la fois de décorer l’habitation tout en jouant un rôle de protection . Si je vous dit qu’à la fin du 19ème siècle et jusqu’au milieu du XXème siècle  les climatiseurs n’existaient pas, vous me croirez ? Donc, comment survivre lorsque la chaleur moite des nuits ou des journées tropicales surviennent ? Utiliser la ventilation naturelle, me répondrez-vous ! Oui, exact ! Plusieurs éléments permettaient cela :

  • les persiennes, qui en plus de permettre de voir sans être vu , laissent passer l’air sans laisser passer les rayons du soleil grâce à leur orientation modulable.
  • les toits pentus avec des « chien assis » sur la toiture permettent à l’air de circuler plus facilement et à la chaleur de s’évacuer ( pourquoi ? parce que l’air chaud monte donc si on insuffle de l’air plus froid, forcément la température baisse légèrement …cf vos cours de physique du collège ).

Enfin, la plus part des maisons possédaient leur propres citernes. En effet, n’oubliez pas que l’alimentation en eau courante des habitations n’est pas si récente que cela. De plus, même lorsque le réseau d’eau potable s’est démocratisé, de nombreuses cases étaient éloignées des villes donc éloignées des réseaux.  Afin d’éviter les corvées d’eau à la rivière ou dans les mares ou puits divers, récupérer l’eau de pluie grâce aux gouttières reliées à une citerne plus ou moins élaborée permettait d’être autonome. 

La décoration des cases

Les façades des cases créoles sont parfois ornées de dentelles, claustras ou autre ornements comme les impostes,  permettant de décorer et de laisser circuler l’air.

Dans l’imaginaire collectif, la case créole est souvent synonyme de couleurs chatoyantes. Mais ceci est surtout vraies pour les cases créoles actuelles rénovées.  Les cases traditionnelles pouvaient être peintes afin de protéger le bois, le toit souvent couvert de tôles. Dans ce cas, deux ou trois couleurs sont utilisées. Les planches ne furent par contre pas les seuls matériaux utilisés pour les façades, certaines furent recouvertes d’essentes (on en trouve surtout vers Pointe-Noire à l’ouest de l’archipel) ;  d’autres ont été faites en zinc.

Et la déco dans tout ça ?

Cet article ne vous permettra pas une mise en pratique immédiate en matière de décoration d’intérieur, je vous l’accorde. Mais mieux connaitre certains éléments architecturaux c’est mieux s’imprégner de tendances, de styles et ainsi nourrir votre imagination essentielle en décoration.

D’autre part, pour ceux qui envisagent de construire une maison sous un climat tropical,  on peut retenir quelques astuces dissimulées dans les cases créoles :

  • les persiennes présentes dans les contreportes ;
  • la circulation de l’air à favoriser pour éviter les climatiseurs énergivores ;
  • les « galeries » pour se protéger du soleil ;
  • les sous-bassement élevés permettant d’éviter  les « maisons de plein pieds » sauf si on veut se retrouver avec une piscine dans son salon ou des « bébêtes » invitées dans son lit !
  • le système de récupération d’eau de pluie.

Je vous invite  à admirer les cases créoles anciennes ou « nouvelles » (consultez la liste que je vous ai mise juste en fin d’article).  Si vous passez par chez nous, n’hésitez pas à ramener des cartes postales anciennes qui, mises en valeur dans de beaux cadres peuvent parfaitement s’intégrer dans un décor ethnique ou boho-chic.

Poursuivre le voyage...

Pour ceux dont la curiosité a été piquée, je vous conseil de regarder le film de la martiniquaise Euzane Palcy « La rue case nègre » : non seulement c’est une magnifique adaptation du chef-d’oeuvre de Joseph Zobel (auteur martiniquais également) mais ce film vous transportera au début du siècle dernier et vous aurez une vue un peu plus concrète de ces cases créoles. 

Si vous avez la chance de venir jusqu’en Guadeloupe, sortez des sentiers tout tracés touristiques et perdez vous dans les  communes. Toutes les bourgs regorgent de trésors en matière de cases créoles.

Mais mes coups de cœur vont pour trois sites :

  • Port-Louis , petite ville de pêcheurs à l’origine et qui regorge de cases créoles dans ses grands axes.
  • Saint-Claude, petite commune située sur la route du volcan La Soufrière, où vous découvrirez une multitude de cases créoles, malheureusement la plupart abandonnées.
  • Certains quartier populaires de la périphérie de Pointe-à-Pitre (attention tout de même, tous les quartiers ne sont pas « fréquentables »). Une association  Pli bel Lari a même  décidé de rénover la façade de certaines cases et leur travail est juste magnifique !

Sinon, il vous reste également internet et ses nombreuses ressources : des sites comme Douce cahute  ou Portail Guadeloupe par exemple vous proposent chacun un article  sur les cases créoles ; le site internet de l’office du tourisme des îles de Guadeloupe quant à lui vous permettra de préparer votre prochain voyage pour faire le plein d’inspiration en déco ! 

Avant de vous laisser rêver de nos cases en bord de plage, je tiens à préciser que je ne suis pas  spécialiste de l’architecture, mais que cet article provient de mes quelques petites recherches  ainsi que de mon vécu personnel.

Alors, il vous a plu ce petit voyage inspirant dans le passé et le présent des cases créoles de la Guadeloupe ? Je prépare une  suite à cet article consacré à l’habitat créole en Guadeloupe : un article sur  les maisons coloniales et un autre sur l’habitat créole guadeloupéen contemporain. Ça vous intéresserait ? N’hésitez surtout pas à commenter, compléter…bref, à me dire ce que vous en pensez !!!!

la case créole - Guadeloupe

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16 commentaires

Josée Cousineau 29 mai 2019 - 8 h 50 min

Comme toujours Miss Za, très intéressant! La déco^selon moi, ce n’est pas de copier intégralement, mais plutôt de s’inspirer. Ici, ce sont les couleurs vives qui m’inspirent. Je ne sais pas si tu as déjà été dans les Maritimes, on y retrouve également de petites maisons de couleurs. Tellement joli!!! Je me souviens également d’être passée à Curaçao lors d’une croisière, c’est ce qui avait retenu mon attention… les maisons colorées à l’entrée de l’ïle!

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Miss Za 29 mai 2019 - 12 h 49 min

Oui Josée, tu as tout à fait raison. Decorer cest s’approprier un style, se laisser guider par notre inspiration qui puise sa source dans ce que nous découvrons.
Curaçao m a fait le même effet que toi : les maisons colorées que lon voit des l’entrée lorsque lon vient de la mer, cest magnifique !!!

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Maëlle 30 mai 2019 - 10 h 17 min

Très sympa comme article, pour avoir vécu à l’île de la Réunion je vois des similitudes 😉

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Miss Za 30 mai 2019 - 10 h 39 min

Merci Maëlle ! Oui effectivement, des milliers de kilomètres séparent la réunion de la Guadeloupe et pourtant les similitudes notamment architecturales sont frappantes. L’histoire similaire du peuplement de ces îles en est la raison.

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Cj-envadrouille 31 mai 2019 - 7 h 46 min

Ah oui, cet article m’a beaucoup plu…. j’adore même. Nous connaissons les Antilles françaises et la Reunion et a chaque fois les cases créoles m’ont fait rêver. Merci pour tout : l’idée originale, le style, les photos… Grace a toi, je suis repartie la bas. J’attends la suite ?

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Miss Za 31 mai 2019 - 7 h 50 min

Ca me fait plaisir que ça t’aie plu ! Les cases sont vraiment un des symbole fort du patrimoine créole ! La suite viendra bientôtdonc, je vais m’y atteler. ?

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Morgane 2 juin 2019 - 3 h 58 min

Je ne connaissais pas du tout l’histoire de ces maisons et ton article est très intéressant et surtout, très complet ! 🙂

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Miss Za 2 juin 2019 - 9 h 36 min

Merci Morgane. C’est un sujet qui me tenait à cœur, pour mieux faire connaître cet élément du patrimoine que l’on côtoie ici quotidiennement et que l’on connait si peu finalement.

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Laparenthesedor 3 juin 2019 - 7 h 55 min

Je ne connaissais pas totalement l’histoire de ces petites maisons, c’était très intéressant 🙂

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Miss Za 3 juin 2019 - 9 h 02 min

Merci à toi !!??
Nombreuses sont les personnes qui côtoient ces cases régulièrement et ne connaissent pas également toute leur histoire je te rassure

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Tigo Dodo 17 juin 2019 - 15 h 29 min

Super intéressant ! Je m’éloigne un peu du sujet mais ça me fait penser que parfois la Guadeloupe marie des styles parfois diamétralement opposés. Je me rappelle voir des maisons colorées à côté de certaines qui elles étaient entièrement blanches avec des grosses pierres asymétriques noires. Je trouvais ça splendide étant jeune car ça me faisait penser aux dalmatiens ^^ Est-ce que tu vois de quel style de maison je parle ?

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Miss Za 17 juin 2019 - 15 h 45 min

Non, je ne vois pas de quels types de maison tu parles. Était-ce sur la Basse Terre, car il ya quelques différences architecturales entre la grande Terre et la Basse terre. Les seules maison qui sont comme des dalmatiens sont les caveaux du cimetière de Morne à l eau …et que j’ai pris pour des petites maisons noires et blanches lorsque je les ai vue pour la première fois ! Lol…mais je n’avais jamais vu de cimetière avant non plus…..

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Ciccia&Cerva 11 mai 2020 - 8 h 52 min

Il est super intéressant cet article! Je ne connais pas du tout la Guadeloupe et ce voyage à travers l’évolution de la case créole est très bien expliqué et sympathique à lire !
J’aime beaucoup le concept de la case modulable 🙂
Amélie

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Miss Za 11 mai 2020 - 8 h 59 min

Merci Amélie. Il y aura un documentaire sur l’habitat créole en Guadeloupe qui sera bientôt diffusé sur France télévisions auquel j’ai participé et qui pourra encore plus te faire voyager!

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Solvar Carol-Ann 10 avril 2021 - 11 h 48 min

Et aujourd’hui que reste-il des cases traditionnelles ?

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Miss Za 11 avril 2021 - 14 h 06 min

Malheureusement, nombreuses sont celles qui tombent en ruine car délaissées et en indivision quand d’autres brulent les unes après les autres….

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